L’électronique de puissance, une technologie de l’ombre essentielle à la modernisation des réseaux électriques

L’électronique de puissance, une technologie de l’ombre essentielle à la modernisation des réseaux électriques

La 14e IEEE International Conference on Power Electronics and Drive Systems (PEDS) a eu lieu à l’École de technologie supérieure à Montréal. Cet évènement, qui mettait en lumière les travaux d’académiques et d’industriels en électronique de puissance, était une occasion d’en apprendre plus sur l’état de l’art de cette branche du génie électrique et ses applications dans les réseaux électriques de demain.   

Perçue comme technologie de l’ombre, lorsqu’il est sujet de la transition énergétique, l’électronique de puissance joue pourtant un rôle clé dans la modernisation de nos réseaux et existe déjà à plusieurs stades, notamment pour le transport d’électricité sur de longues distances et les applications behind-the-meter (voir notre article précédent – Le triple défi des énergies renouvelables – cas de l’énergie éolienne au Québec et ailleurs).   

Des technologies avancées dans ce domaine peuvent réduire les pertes de transmission et de distribution, optimiser l’approvisionnement d’énergie, protéger les actifs critiques et améliorer la résilience.   

Mais de quoi parle-t-on ici ?   

L’électronique de puissance est un champ interdisciplinaire du génie électrique qui étudie l’ensemble des dispositifs permettant la conversion statique de l’énergie électrique. L’emploi du mot “statique” renvoie à une conversion dite sans mouvement, car elle emploie des composants électroniques à semi-conducteurs. Elle traite particulièrement des puissances élevées (courant élevé et/ou haut voltage).  

Cette étape de transformation de l’énergie électrique est rendue possible grâce à une grande liste de technologies et d’outils comme les transistors, les onduleurs, les redresseurs, ou encore les hacheurs, pour ne citer qu’eux.  

Sachant ceci, quelles tendances émergent et quelles technologies sont étudiées ?   

Voici quelques innovations qui ont retenu mon attention, lors de cette conférence et au cours de mes recherches.   

Nouvelles typologies d’onduleurs plus efficaces et moins coûteux  

L’étude des onduleurs est intéressante dans la mesure où ils sont utilisés dans la plupart des installations solaires photovoltaïque, connectées au réseau ou en milieu isolé.   

L’énergie solaire est exploitée par un réseau photovoltaïque sous forme de courant continu. Cette tension continue disponible est convertie en courant alternatif pour une utilisation industrielle ou domestique, selon les besoins. Dans la plupart des topologies, la tension continue extraite est élevée à un niveau supérieur à l’aide d’un convertisseur boost ou buck-boost (étape step-up) puis convertie en courant alternatif à l’aide d’un onduleur à source de tension (VSI) ou à source de courant (CSI) d’autre part.   

Cependant, ce processus est assez coûteux en raison du grand nombre de composants utilisés. De plus, même si cette méthode a l’avantage de favoriser la modularité, son inconvénient majeur est la dégradation du rendement.   

Une alternative efficace à cette approche à deux étapes est l’onduleur à une étape (single stage inverter (SSI)).  L’un d’entre eux est l’onduleur à source Quasi-Z (qZSI), qui a la capacité d’assurer la partie step-up et la conversion DC-AC de la tension d’entrée en un seul étage. C’est une nouvelle technologie qui intéresse plusieurs chercheurs de l’ETS et du laboratoire GREPCI. 

Le qZSI montre déjà ses qualités. D’une part, l’onduleur est capable de tirer un courant continu constant de la source, ce qui en fait un candidat idéal pour la source photovoltaïque. D’autre part, il assure une grande sécurité des équipements internes – inductances et/ou condensateurs – pour les deux topologies – CSI et VSI.   

Et l’envie d’améliorer ces nouveaux SSI se renforce !   

De nombreux travaux couvrent notamment la suppression du phénomène de double line frequency ripple, un phénomène de déséquilibre de la fréquence inhérent à la phase de conversion DC-AC. Ce phénomène a pour conséquence de perturber l’étape dite de MPPT (Maximum Power Point Tracking), une étape cruciale qui permet d’injecter à chaque instant la puissance maximale recueillie par le panneau dans le réseau. Des méthodes et algorithmes de contrôle, appelées active power decoupling, sont ainsi développées pour limiter ce phénomène.   

Les micro-réseaux à courant continu (DC) et leur contrôle  

Dans les zones reculées, la demande de charge est nettement inférieure à celle des zones développées. Par conséquent, les coûts de transmission et de maintenance quotidienne doivent être pris en compte, et l’alimentation par le réseau n’est donc pas le meilleur choix.   

C’est pourquoi les micro-réseaux DC fonctionnant en îlot – non intégré au réseau grande échelle comme celui d’Hydro-Québec – commencent à prendre de l’ampleur. Ces derniers sont notamment étudiés pour décarboner les régions nordiques du Canada encore dépendantes aux génératrices au diesel.   

Malgré les avantages qu’ils présentent par rapport à leurs homologues à courant alternatif en termes d’efficacité et de taille de système, les micro-réseaux à courant continu font face à plusieurs défis. L’un d’entre eux, rencontré sur le terrain, est l’instabilité causée par les charges dites à puissance constante (Constant Power Loads ou CPL). Les CPL détériorent les performances du système en raison de leurs caractéristiques d’impédance négative incrémentale. Pour aider à la stabilité, plusieurs équipes de recherche travaillent sur des modèles de contrôle prédictif (Model Predictive Control ou MPC) appliqués au convertisseur bidirectionnel DC-DC dans les systèmes PV/Batteries. L’objectif du contrôleur est de traiter la non-linéarité du CPL et de maintenir la stabilité du système en cas de variations de la charge et de la production photovoltaïque.  

Enfin, dans un micro-réseau, la stratégie de contrôle est l’une des questions les plus importantes, lorsque les taux de pénétration de ressources d’énergies distribuées (REDs) renouvelables est élevé. Plusieurs articles apparaissent dans la littérature traitant de méthodes de contrôle d’EMS (Energy Management System). Certaines méthodes de contrôle intelligentes, telles que les approches par réseau de neurones, ont également été présentées dans le contexte des micro-réseaux DC. 

 

De nouveaux matériaux aux nouvelles propriétés  

L’évolution de l’électronique de puissance est fortement corrélée aux avancées des technologies de semi-conducteurs. L’utilisation de nouveaux procédés de fabrication basés sur l’usage de matériaux à large bande interdite et à haute-mobilité apparaît comme la prochaine révolution pour la réalisation de commutateurs et de diodes de puissance. Dans cette perspective, le Carbure de Silicium (SiC) et le Nitrure de Gallium (GaN) se présentent comme des candidats optimaux pour les applications fortes puissances.   

Et où retrouve-t-on ces composants ?   

Dans des nouveaux transformateurs appelés Solid-State Transformer (SST), par exemple, que l’ETS et le GREPCI étudient. 

Les SST sont des transformateurs développés à l’aide de dispositifs semi-conducteurs. Certains prototypes ont été développés par General Electric et commencent à pénétrer le marché en raison de leur qualité supérieure à celle des transformateurs conventionnels.   

Un des avantages notoires d’un SST par rapport à un transformateur conventionnel est la réduction de l’encombrement. En outre, les transformateurs conventionnels sont conçus pour fonctionner avec un flux d’énergie unidirectionnel et n’ont pas un temps de réponse rapide lorsqu’il s’agit de réguler la tension. Les SST, en revanche, présentent des temps de réponse plus rapide et peuvent se coordonner avec d’autres convertisseurs d’électronique de puissance dans le réseau, par exemple ceux des sources d’énergie éolienne et solaire. De plus, les SST ne contiennent pas d’huile, un élément non négligeable lorsqu’il s’agit de respecter les réglementations en matière d’éco-conception.  

 

Conclusion   

La modernisation des systèmes électriques et le passage à un réseau de plus en plus intelligent ont accru le besoin de nouvelles technologies, reposant sur de l’électronique de puissance. 

À cet égard, la conception d’onduleurs aux meilleurs rendements est étudiée. Le but ? Permettre une meilleure fiabilité dans les transferts de puissance et d’énergie lorsque les réseaux intègrent des REDs. En outre, l’amélioration et l’intégration de ces outils essentiels de conversion va de pair avec l’envie de mieux les contrôler, comme c’est le cas dans les micro-réseaux. Enfin, l’émergence de nouveaux semi-conducteurs permettent de développer de nouveaux actifs, à l’image des transformateurs SST qui, en plus de meilleures performances que les transformateurs conventionnels, fournissent une variété d’autres services. 

Cette liste non exhaustive de sujets d’intérêts montre que les acteurs académiques québécois comme industriels travaillent pour rendre nos réseaux plus modernes et fiables, des critères essentiels à la réussite de nos objectifs de carboneutralité à l’horizon 2050. 

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